Après Kamel Daoud, dont les chroniques reprenaient, jusque dans leurs moindres détails, les frustrations du peuple algérien, les chroniques de Majda El Krami, publiées sur sa page Facebook qui compte près de 24k d’abonnés, se dressent comme un discours critique de la société marocaine contemporaine.
Dans sa rubrique, #Bladschizo, Majda El Krami, rédactrice web chez Al Huffington Post Maghreb, inspirée des réalités locales-mais aussi maghrébine-vécues, nous présente, sous le titre de « Bnat zzenqa », le combat quotidien des femmes jugées libérales, par les uns, et libertines, par les autres.
“Les chroniques de Majda” , Majda…. Comment ?
A l’heure où les noms de famille se font hisser tels des drapeaux et étendards ; et où les pseudonymes protecteurs et mystérieux continuent d’attirer les gente féminine comme pour Georg Sand, Françoise Sagan et encore Assia Djebar et Maissa Bey, la chroniqueuse marocaine Majda, pour faire face au monde, ne garde que son prénom, signifiant littéralement : La Glorieuse.
Vu le féminisme qui émane de ses écrits, on serait contraint de croire que son choix est motivé par une volonté de rupture de ban avec la société maghrébine patriarcale. Or, en renonçant au confort qu’offre un nom de famille et à la magie que sécrète un pseudonyme, Majda ne cherchait, en réalité, que « créer une certaine intimité avec les lecteurs, en ne leur imposant pas ces barrières trop ‘’rigides’’ », explique-t-elle à Presse Algérie.
#Bladschizo et Bnat zzenqa : Quel blad et quelle zzenqa ?
A l’exception de la majorité des jeunes femmes musulmanes, en général, et marocaines, en particulier, Majda El Krami a eu ce qui est devenu une chance, voire un luxe, dans les pays musulmans : une famille qui éduque ses enfants « dans la liberté du choix et sans distinction aucune avec les ‘’mâles’’ », nous précise-t-elle. Cette éducation a fait d’elle une femme forte et surtout lucide. Une femme qui s’est démarquée en criant aux injustices, à l’échec scolaire au Maroc et surtout à la condition de la femme marocaine contemporaine. Si ses articles parus sur Al Huffington Post Maghreb obéissent à la politique éditoriale du groupe, sur sa page Facebook, elle se permet de publier de courts récits «inspirés des réalités locales » nous déclare-telle. Bien que ses récits aient pour cadre et décor le milieu urbain marocain, les intrigues qui en constituent le pivot, reflètent, dans un effet de miroir, l’image de toutes les sociétés patriarcales. Ainsi, les frontières géographiques entre les pays s’abolissent pour laisser apparaître les injustices dont souffrent quelques nations.
Dans son écriture engagée socialement, nous remarquons sa colère. Une colère brutale que le choix exquis des vocables, la fluidité du style et la profondeur des sens des phrases essaient de dompter. En dépit de la gêne que les sujets, encore tabous, qu’elle aborde suscitent, les 24k d’abonnés (Marocains, Algériens et Français) n’ont jamais marqué leur mécontentement, bien au contraire, ils interagissent et, le plus souvent, compatissent.
« Je veux être Kamel Daoud ou rien ! »
« J’estime que je manque de maturité littéraire » confie-t-elle à Presse Algérie malgré le remarquable succès récolté, en l’espace de quelques semaines, grâce à la publication du chapitre « Bnat zzenqa ». Récit qui reprend l’histoire de Khadija, la jeune fille universitaire, qui, suite à une grossesse inattendue, subit les pires supplices qu’un être humain puisse endurer et finit « enterrée dans l’intimité de la honte, dans le déchirement des pleurs et la colère du déshonneur, dans l’indifférence de la routine de son histoire » (Bnat zzenqa).
En jugeant son écriture littéraire immature, Majda El Krami évoque Leila Slimani et Kamel Daoud, écrivains qu’elle juge « appréciés à leur juste valeur en dehors des frontières de leurs pays respectifs ». Les dits auteurs qui ont été acèrbement critiqués d’avoir opté pour des maisons d’éditions françaises, sont, aux yeux de Majda El Krami « les voix des minorités qui vivent une marginalisation certaine de la part de leurs contrées et leurs compatriotes ».
En soutenant ceux qui seront, dans quelques mois peut-être, ses camarades, la rédactrice web, chroniqueuse et auteure de plusieurs courts récits, annonce qu’elle n’a pas encore été approchée par une maison d’édition, marocaine ou étrangère soit-elle. Aussi, insiste-t-elle sur le fait que le chemin reste encore long car elle a besoin de davantage de temps afin de « peaufiner » ses écrits. Des écrits qui reflètent nos sociétés respectives et qui ne manquent pas de dénoncer les ridicules du système politique et social.
Demeurera-t-elle sur ses serments ? Aura-t-elle la force de subsister face à une #Bladschizo ? Parviendra-t-elle à peaufiner ses écrits et être l’écrivaine à laquelle elle aspire ? Assisterons-nous un jour à l’émergence d’un « Kamel Daoud au féminin » ?