Cela fait déjà 3 ans que le mystérieux homme à la djellaba a fait sa première apparition sur les réseaux sociaux. Depuis, les utilisateurs de Facebook s’interrogent sur les raisons qui ont mené cet homme fantôme, vêtu de sa djellaba en laine rehaussée d’une capuche à arpenter les ruelles les villes d’une Algérie qu’il expose sous un nouvel angle sans que l’on puisse apercevoir son visage. Ce fantôme est actuellement exposé dans le cadre de La Biennale des photographes du Monde Arabe Contemporain à Paris.
Un gros plan sur l’Algérie
Une silhouette sans formes, puisque enveloppée dans une large tunique traditionnelle héritée du patrimoine nord-africain. Un visage que nul n’ait aperçu. Et des yeux qui, sans que l’on puisse les voir, nous disent long à travers un regard qui oriente le nôtre.
Ahmed Badreddine Debba, 29 ans, ingénieur en électronique, issu de la ville de Mostaganem où a séjourné autrefois Kateb Yacine, est l’auteur du récit photographique « Journal de l’homme à la djellaba ».
Dans une interview qu’il a accordée à Télérama, cet artiste photographe annonce que son œuvre a deux objectifs principaux. Son premier objectif a une visée nationale qui se traduit par la lutte contre la crise de valeurs et la perte du patrimoine dont souffre la nation algérienne. Sur la scène internationale, il mène un combat intellectuel pour faire face aux clichés et stéréotypes qui relient la djellaba aux terroristes : « La djellaba m’est apparue comme un moyen de rendre hommage au patrimoine de mon pays. Aujourd’hui, ce vêtement suscite la polémique partout dans le monde. On est vite taxé de terroriste quand on le porte, même en Algérie. Pourtant, il fait partie de nos savoir-faire. C’est un symbole de résistance, puisque les combattants contre la colonisation française s’en servaient comme camouflage et afin de se projeter du froid ».
Errance mais jamais l’exil
A l’instar de tous les pays africains, l’Algérie n’a rien à offrir à ses artistes qui, pour vivre de leur art, se condamnent à un exil volontaire. Or, Ahmed Badreddine Debba refuse obstinément de quitter Mostaganem parce que « « Ici, je suis bercé par la poésie soufie », confie-t-il.
Dans ces photographies, on aperçoit l’homme à la djellaba mais aussi, sa compagne Moulet el Hayek. Il(s) parcour(en)t Mostaganem, Oran, Alger, Béjaia, Bordj Bou Ariridj, Constantine et bien d’autres villes algériennes que nous ne citerons pas ici.
L’internaute Nadia Laribi, au sujet de ces photographies, déclare : « Je trouve ces photos extraordinaires , et l’idée de ce bou jellaba est juste excellente , il pourrait se balader partout dans le monde arabe pour constater les dégâts faits aux patrimoine , mais pas seulement !! » D’autres, que cet art a touché la sensibilité, à la manière de Yamina Hamzaoui qui avoue avec tant d’amertume : « photos impressionnantes et profondes qui m’ont touchée jusqu’aux larmes de tristesse… notre pays est prisonnier, meurtri de tant d’injustices… hélas! ».
Quant aux connaisseurs et photographes professionnels, ils n’ont pas manqué de manifester leur admiration et leur soutien à ce jeune talentueux artiste. D’ailleurs, c’est grâce au photographe professionnel Bruno Boudjelal qui a découvert Ahmed Badreddine Debba lors d’un atelier organisé à Alger en 2015 que ce dernier a pu enfin accéder aux plus grands musées français et y exposer son œuvre.